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L’économie circulaire en Afrique : produire durablement,  valoriser les ressources locales

Ph: Association Africa 21, www.africa21.org

L’Afrique fait face à une croissance rapide et aux défis du changement climatique. Le modèle économique linéaire (produire-consommer-jeter)  montre aujourd’hui ses limites notamment l’épuisement des ressources, la pollution et des opportunités économiques perdues. 

En parallèle, l’économie circulaire s’impose comme une alternative concrète et un impératif stratégique. Loin d’être une simple gestion des déchets, ce modèle vise à concevoir pour durer, à réparer, réutiliser et valoriser les ressources afin de boucler les cycles de matières et de services. Pour l’Afrique, cette transition implique une transformation profonde de ses modes de production et de consommation.

L’urgence d’une action concertée était d’ailleurs au cœur de la réunion annuelle édition 2025 de l’African Circular Economy Alliance (ACEA) qui s’est tenue à Addis Abeba. Cette rencontre, rassemblant les représentants des 21 pays membres et des partenaires, a posé les jalons d’une synergie essentielle pour concrétiser cette vision panafricaine.

Atténuer les problèmes continentaux et stimuler le potentiel de l’Afrique grâce à l’économie circulaire

L’économie circulaire est une puissante force contre les défis environnementaux et économiques du continent. La Fondation Ellen MacArthur a montré que l’économie circulaire peut s’attaquer à 45% des émissions mondiales de gaz à effet de serre. La GIZ a quant à elle calculé que les engagements actuels ne permettent de réduire que 40 % de la réduction totale nécessaire des émissions de gaz à effet de serre (GES), tandis que l’économie circulaire pourrait contribuer à combler 50 % de l’écart restant. Plutôt qu’acheter et jeter, les consommateurs sont encouragés à réparer, partager, louer ou échanger (Plan d’action continental pour l’économie circulaire en Afrique 2024-2034).

Comme le dévoile le Plan d’Action continental pour l’économie circulaire en Afrique 2024-2034, le fait de dépasser l’économie linéaire et gaspilleuse devrait aider l’Afrique à atteindre son plein potentiel via :

  • un secteur manufacturier plus résilient et des industries locales plus développées moins dépendantes des importations,
  • la création d’emplois axés sur la réutilisation et le recyclage pour sa population jeune et croissante, 
  • la mise en place de modèles et de communautés résilientes en intégrant les connaissances endogènes dans l’entrepreneuriat.

En valorisant les ressources locales et en réduisant le gaspillage, l’économie circulaire diminue la dépendance aux matières premières et produits importés. Cette autonomie renforcée améliore la balance commerciale et renforce la résilience face aux chocs économiques externes. 

Un cadre continental collaboratif 

Ph: Association Africa 21, www.africa21.org

La concrétisation de ces bénéfices nécessite une action harmonisée à l’échelle du continent. C’est là qu’intervient le Plan d’Action continental pour l’économie circulaire 2024–2034 (CEAP).

Adopté par l’Union africaine (UA) avec le soutien de la GIZ, ce plan s’inscrit dans la vision de l’Agenda 2063 « L’Afrique que nous voulons » et place la transformation au cœur de la stratégie africaine pour une croissance verte et inclusive. Il définit la manière dont l’Afrique peut transformer la circularité en un moteur de compétitivité, de résilience et d’opportunité, et fixe comme objectif de découpler la croissance économique de la dégradation environnementale.

La réunion annuelle de l’ACEA à Addis-Abeba, du 13 au 16 octobre 2025, est la parfaite illustration de la dynamique de concrétisation de cette feuille de route stratégique de l’UA. Durant quatre jours, les acteurs clés ont mené des discussions sur les initiatives circulaires afin de renforcer l’intégration des pays africains. L’alliance cherche, à travers cette réunion, à promouvoir l’alignement des initiatives nationales, régionales et continentales en matière d’économie circulaire. Cela, afin de favoriser la cohérence, la mobilisation dynamique (politique et technique) pour mettre en œuvre les feuilles de route nationales en matière d’économie circulaire, et d’explorer le rôle des institutions régionales pour stimuler l’intégration de l’économie circulaire dans les chaînes de valeur africaines.

Les discussions menées dans la capitale éthiopienne ont souligné la nécessité d’agir de manière coordonnée et de sécuriser les financements. Nathaniel Oluoch Agola, économiste en chef à la Banque africaine de développement (Bad), a d’ailleurs félicité la Commission de l’Union africaine pour l’annonce récente de son Plan d’action sur l’économie circulaire, reconnaissant que ce document « sert de guide pour dynamiser l’agenda de l’économie circulaire sur le continent africain. » 

Cependant, la transition exige des efforts soutenus en matière de financement et d’innovation, comme l’a rappelé Charles Nyandiga, responsable Environnement du PNUD : « Notre défi pour cette réunion est d’explorer des moyens durables de mobiliser des financements et d’améliorer l’innovation pour s’assurer que les projets d’économie circulaire sont bancables, inclusifs et climatiquement intelligents. » Il a ajouté que l’Assemblée générale 2025, placée sous le signe de l’alignement continental, « est un appel à unir nos efforts, à améliorer notre impact, à accélérer la transition de l’Afrique vers un avenir durable, inclusif et prospère. »

Davinah Uwella, Coordinatrice de programme à la Banque Africaine de Développement, a également insisté sur ce point : « En tant que partenaire de développement sur le continent, nous avons soixante ans d’expérience dans les activités de développement. Ce qui nous semble manquer, c’est la manière de lier efficacement la finance à l’innovation afin de garantir un développement inclusif. »

L’Analyste politique Sophia Moggs insiste quant à elle sur le fait que : « Nous avons vu beaucoup d’efforts dans l’économie circulaire, d’un point de vue de la gestion des déchets et des ressources, et c’est l’un des points d’entrée les plus faciles. Mais l’économie circulaire va bien au-delà. Nous avons donc besoin de politiques qui définissent des standards pour les produits conçus afin qu’ils soient plus durables. »

L’économie circulaire bouleverse aussi nos habitudes de consommation. Les marchés d’occasion, profondément ancrés dans la culture africaine (smartphones reconditionnés, pièces détachées automobiles, vêtements de seconde main) s’inscrivent naturellement dans cette logique. L’enjeu est de formaliser et structurer ces pratiques pour en multiplier les bénéfices estimés à 546 milliards de dollars de valeur économique potentielle et 11 millions d’emplois d’ici 2030 selon la BAD.

La rédaction