Le processus de réduction ou de destruction des forêts (la déforestation), généralement à des fins agricoles, industrielles ou d’urbanisation, entraîne depuis longtemps la perte de la couverture forestière et de la biodiversité dans de nombreux pays. En Côte d’Ivoire, le couvert forestier est passé d’environ 16 millions d’hectares à seulement 2,97 millions d’ha selon l’Inventaire Forestier et Faunique National (IFFN, 2021).
Le gouvernement ivoirien s’est engagé à réduire les émissions de gaz à effet de serre et à restaurer le couvert forestier, tout en répondant à la demande croissante de bois. La reconstitution du couvert forestier, en commençant par les forêts classées et l’agroforesterie, est donc cruciale pour relever ce double enjeu environnemental et économique.
La forêt ivoirienne a été fortement impactée au cours des 50 dernières années, perdant une quantité importante de forêt, en témoignent les statistiques de l’IFFN. Les principales causes de cette perte sont l’agriculture extensive et l’agriculture non régulée, selon Renaud Lapeyre, Représentant en Côte d’Ivoire de l’association Nitidæ, une organisation à but non lucratif dont l’objectif est de concevoir, développer et mener des projets alliant préservation de l’environnement et renforcement des économies locales.
« On sait que le cacao, l’hévéa, le palmier à huile et l’exploitation forestière non régulée ont participé à cette déforestation. 25 % du cacao ivoirien provient d’aires protégées, de forêts classées, de parcs nationaux. Les principales causes de la déforestation sont le cacao, le palmier à huile, la culture de rente, l’urbanisation, et l’exploitation forestière », a-t-il expliqué lors d’un panel récemment tenu à Abidjan-Cocody.
Solutions et recommandations
Pour lui, il est essentiel de reboiser, reforester, protéger et pratiquer l’agroforesterie dans les forêts classées, tout en assurant une bonne protection des aires protégées. Il faut aussi maintenir ou augmenter la couverture forestière à travers la régénération assistée. « Des études montrent que la nature se régénère rapidement et que parfois, il est préférable de ne rien faire plutôt que de tenter de reboiser. Il est également important de se concentrer sur le reboisement dans les zones rurales et la protection des forêts existantes », a-t-il soutenu.
Le Président et Directeur général d’Agromap (une organisation conseil en solutions naturelles) Patrice Adayé, s’est penché sur les actions de l’État de Côte d’Ivoire, avec l’appui du secteur privé. « L’État de Côte d’Ivoire met en œuvre des stratégies ambitieuses pour lutter contre la déforestation et restaurer les forêts, tout en cherchant à résoudre les défis de financement et de gestion », a-t-il laissé entendre.
Il a mentionné le mécanisme REDD+ (Réduction des Gaz à Effet de Serre) du ministère de l’Environnement, du Développement Durable et de la Transition Écologique, visant à identifier des causes profondes de la déforestation, la « Stratégie nationale de préservation et de restauration des forêts » du ministère des Eaux et Forêts évaluée, et l’initiative « Cacao et Forêt », qui regroupe l’ensemble des chocolatiers, pour réduire la déforestation dans leur chaîne d’approvisionnement.
Défis financiers et projets en cours
Selon lui, le mécanisme est en place et la mobilisation est perceptible. Cependant, le principal enjeu reste le financement. « Le projet visant à identifier les facteurs d’émission pour réduire notre empreinte carbone est estimé à 11 000 milliards FCFA. Celui relatif à l’identification des besoins pour la restauration de nos forêts, y compris les forêts classées et le domaine rural, est évalué à 616 milliards FCFA. Au cours des six dernières années, nous avons déjà produit 25 millions d’arbres. Nous cherchons à mobiliser 85 milliards FCFA pour les forêts classées du Haut-Sassandra, qui ont été mises en concession, car l’État de Côte d’Ivoire a confié la gestion de ces forêts classées au secteur privé dans le cadre d’un partenariat public-privé. L’État, n’étant pas en mesure de financer entièrement, se tourne vers le secteur privé pour ces concessions. Ce partenariat vise à préserver nos forêts. Nous collaborons également avec le ministère des Eaux et Forêts dans un projet de restauration de 104 000 ha », a-t-il ajouté.
Initiatives de l’association Nitidæ
Concernant les initiatives de l’association Nitidæ, qui travaille activement sur la réserve naturelle de Mabi-Yaya depuis 2016 dans la lutte contre la déforestation en Côte d’Ivoire, Renaud Lapeyre a cité trois axes d’interventions : l’approche scientifique, l’approche partenariale et l’approche communautaire.
L’approche scientifique consiste à utiliser des images satellites pour créer des cartes d’occupation des sols, identifier les différentes zones (forêt primaire, cacao, hévéa, etc.), et évaluer la biodiversité avec des inventaires floristiques et des caméras pièges.
L’approche partenariale implique une collaboration avec des partenaires tels que l’OIPR et le conseil régional de la Mé pour former les responsables locaux sur la cartographie, la surveillance des menaces et la gestion des aires protégées.
L’approche communautaire favorise l’échange avec les communautés pour co-créer des plans de développement local, soutenir la réhabilitation des filières agricoles comme le cacao, et promouvoir des pratiques agroforestières pour réduire la déforestation. Elle inclut également l’enseignement de la gestion forestière aux communautés locales pour valoriser la forêt et ses ressources.
Bien que le gouvernement, le secteur privé et la société civile œuvrent activement pour la préservation de la biodiversité en Côte d’Ivoire, les problèmes de financement persistent. Selon les experts, la plus grande contrainte reste le foncier.
Marina Kouakou